Prix de thèse (accessit) de l'Université Lumière Lyon 2

Prix de thèse (accessit) de l'Université Lumière Lyon 2

2024, Mar 26    

Accessit du prix de thèse de l’Université Lumière Lyon 2 - Lien vers les résultats.

Manuscrit de thèse disponible ici.

Présentation

De la physique aux sciences sociales : les origines de sa thèse

G. P.-M. : « Né à Paris et ayant grandi en Alsace, je suis arrivé à Lyon au lendemain de l’obtention d’un bac littéraire pour débuter mes études de… physique, à l’Université Claude Bernard Lyon 1.

J’ai opté pour cette filière un peu par dépit, suite au refus de deux classes prépa littéraires, mais aussi par curiosité. Je me suis passionné pour cette matière que je découvrais. J’y ai tant pris goût que, trois années plus tard, j’entrais à l’École Normale Supérieure de Lyon pour y continuer la physique en master Sciences de la matière. Une année passe, j’aime toujours autant ma matière, mais certaines réalités commencent à se faire plus tangibles ; après les études commence à poindre le monde du travail. Et là, une terrible prise de conscience : je ne veux pas faire de recherche en physique, étant manifestement plus sensible à son étude qu’à sa découverte. Il est temps de changer d’air une nouvelle fois.

Un peu paniqué, je découvre l’existence des sciences sociales computationnelles au détour d’une lecture (Fondation d’Asimov), puis lors d’un stage à Tarragone. Je décide de me lancer sur cette nouvelle route. Une nouvelle année passe, et je confirme mon goût pour cette discipline et ses promesses lors d’un stage à Rome et d’un master en humanités numériques en parallèle de ma formation de physicien, master au sein duquel je rencontrerai mes futurs directeurs de thèse.

Me voici enfin arrivé à l’Université Lumière Lyon 2, pour y débuter un doctorat sur les interactions entre informations dans leur diffusion sur les réseaux sociaux. Un projet à cheval entre mathématiques, sciences sociales et informatique. Un cocktail passionnant, d’une part, mais aussi novateur dans une certaine mesure. J’entame mon doctorat comme une première étape vers un objectif plus global : participer à l’introduction des méthodes mathématiques, statistiques et informatiques dans la résolution de problèmes traditionnellement réservés au SHS. »

Une thèse en période de pandémie

G. P.-M. : « La thèse débute donc en octobre 2019. Les premiers mois se passent bien, mes directeurs de recherche, Julien Velcin et Sabine Loudcher, m’aident à définir les contours de ma problématique, et moi de leur proposer des méthodes permettant d’y répondre. Il s’agit de récupérer de grosses masses de données apparemment informes (quelques millions de tweets, par exemple), et d’essayer d’en deviner les mécanismes cachés (qui a publié quoi, quand, pourquoi). Mon travail se concentre sur un de ces mécanismes en particulier, l’interaction entre informations. Lorsqu’une personne publie un tweet X, l’a-t-elle fait en usant de son libre arbitre, ou bien parce qu’elle a été influencée, à son insu ou non, par un tweet Y publié quelques instants T plus tôt dans son feed ?

Les connaissances acquises lors de mes stages facilitent le démarrage du projet : j’implémente, adapte et teste sur ma problématique les modèles mathématiques que je maîtrise déjà. J’ai trouvé un doctorat, le smic qui va avec, sur un sujet qui m’intéresse, avec un objectif à long terme, dans un cadre libre et agréable. Je me dis que tout va pour le mieux dans cette belle vie lorsque j’entends un ami me demander “il paraît qu’il y a un genre de grippe en Chine, t’en as entendu parler ?”.

Trois mois plus tard, le cadre a radicalement changé ; je travaille depuis mon appartement, une routine un peu plus solitaire, et un peu moins saine, s’installe. Mais j’ai cette chance de ne pas être entravé outre mesure dans mes recherches. Mon travail consiste à écrire des modèles mathématiques sur un bout de papier, les coder sur mon ordinateur personnel, les lancer à distance sur des serveurs, récupérer des résultats, puis enfin les analyser. Mais mon expérience de thèse se trouve néanmoins amputée de quelque chose. Lorsque le monde se rouvre, les contacts sont plus difficiles, les restrictions, couvre-feu et autres confinements s’enchaînent. À côté de cela, il est facile de s’habituer à travailler seul, depuis chez soi, et je ne remets finalement presque plus les pieds au laboratoire jusqu’à la soutenance. Des visios, des verres avec mes directeurs, et des conférences sont devenues ma nouvelle routine professionnelle. En contrepartie, mes recherches avancent vite, et il sera bientôt temps de tout compiler dans le manuscrit final !

Une nouvelle phase s’enclenche, la rédaction, relativement rapide et indolore, et me voilà prêt à soutenir. En septembre 2022, je deviens docteur, armé pour travailler à mon véritable objectif : introduire les méthodes mathématiques et statistiques dans les SHS. »

Et après ?

G. P.-M. : « Je retire finalement du doctorat une expérience bien plus technique que sociale. Les rencontres que j’ai pu y faire se sont retrouvées limitées par les événements dans un premier temps, par l’habitude dans un second. Du point de vue des connaissances, cela dit, j’ai passé trois années à découvrir tous les aspects d’un champ qui m’était presque inconnu lors de mes débuts en thèse. Trois ans, ce n’est pas assez pour tout savoir, mais c’est assez pour apprendre à apprécier la légitimité que confère un doctorat. Sans l’avoir fait disparaître, le doctorat m’a appris à gérer un mal courant du doctorant, le syndrome de l’imposteur (le revers de médaille de qui s’amuse constamment à changer de parcours, entre autres). Une thèse riche en enseignements, et en développements personnels, donc. Il y a bien là de quoi prendre un peu de temps pour se poser, prendre du recul, voire en profiter pour mener des projets toujours reportés à l’année suivante, à l’année après les études. Un voyage, pourquoi pas. Ou un livre..?

J’ai découvert ce concours lors de ma propre cérémonie de remise des diplômes. Peu de temps après, mon directeur de recherches m’a informé penser que ce serait une bonne idée d’envoyer ma thèse pour examen. Je me suis exécuté, sans grands espoirs (le syndrome de l’imposteur, il faut suivre !). J’ai donc été très agréablement surpris de me voir décerner cet accessit. Ce concours représente une belle consécration de trois années de travail, une validation par des chercheurs établis, et le boost de confiance qui va avec ! »